lundi 7 mai 2007

1er jour : la France du Fouquet's

La France retiendra-t-elle qu'il est allé au Fouquet's ? Le Fouquet's du groupe Lucien Barrière. Casinos et grands palaces, pas les plus chics, mais les plus clinquants. Pour pomper les caisses des CE et des séminaires de directions. Des casinos surtout (14 au total), le jackpot, dont la croissance du chiffre d'affaire pour le groupe Barrière a été tirée par ses casinos situés en Suisse, avec + 18,9% en 2005-2006.

Sarkozy au Fouquet's avec cette star belge, (euh... française), à la carrière tellement sans fin, justement fraudeur du fisc français en Suisse. Cela, j'imagine que nous l'avons tous vu. Il faudra combien de temps pour que nous en soyons vraiment tellement choqués, que nous trouverions collectivement cela tellement dépassé et inadmissible ? 1 mois, 1 ans, 5 ans ou 25 ans ? Quelque chose de la France, de son esprit, et justement de son identité se dissout ici dans ce symbole. De De Gaulle à Sarkozy, un abîme. On a jamais autant parlé dans cette élection du modèle politique et de société des pays Nordiques, modèle social-démocrate, que pour mieux s'en éloigner. Là-bas, la caricature fait qu'un ministre peut être conduit à démissionner s'il a dépassé de 2000 euros l'enveloppe annuelle prévue pour ses frais.

Ce qui nous fascine, que l'on trouve même formidable, c'est qu'il ne fait même pas semblant, il n'a peur du ridicule, il a fait le calcul que la France qui l'a élu c'est celle qui voudrait être ici avec lui au Fouquet's, un vrai lieu ringard de Paris, de très jeunes blondes pneumatiques très très superficielles aux bras de vieux beaux, qui ne l'ont jamais été autant que leur richesse sonnante et tébuchante. Le café à combien ? Les coktails sont à partir de 15 euros au bar de l'escadrille où Santos DUMONT aurait fondé en 1914 l'association l'as des as, les pilotes de la 1ère guerre mondiale. Depuis le Fouquet's est une rampe de lancement, de la porno-star au Président de la République. Champagne ! C'est en fait le vertige d'un vol en piqué auquel on nous convie, spectateur-électeur.

La France du Fouquet's c'est la France du clinquant, du chic ostentatoire du parvenu nouveau siècle, celui qui affiche sans vergogne la roture d'une réussite si fulgurante, qu'il a aussi besoin de se vanter des moyens les moins subtiles et les plus radicaux qu'il a utilisés pour y parvenir. Seul le résultat compte. Et les plus forts survivent.

La France du Fouquet's, c'est celle de ceux qui voudraient bien s'y voir. Cette France, elle veut être Star, jet -setée et peoplelisée, elle veut en être... et finalement elle en est un peu, à travers lui, la roue tourne, demain c'est moi avec un peu de chance. Et lui c'est un peu moi. Cette France, elle ne veut surtout pas être Présidente, tentative malheureuse de lier un sentiment de reponsabilité collective partagée à un mot d'ordre qui finalement veut jouer du même ressort.

Un commerçant de mon quartier - Sarkozyste - interrogé sur cette mise en abîme, ce geste hautement symbolique de notre nouveau Président : "mais pourquoi tu veux qu'il se prive d'aller au Fouquet's, il a raison, moi à sa place j'irais aussi au Fouquet's, c'est le roi, le gagnant, il fait ce qu'il veut si ça lui chante, et en plus, je te le dis, maintenant il ne paye plus rien".

Il y a de la jouissance assumée et démonstrative par Sarkozy, elle est comprise, entendue : pourquoi Le Président devrait-il refouler la jouissance ? Pourquoi ne pourrait-il pas en profiter ? La société du profit, et de sa maximilisation, n'est possible que parce que la jouissance est controlée par la consommation. Celui qui peut la libérer montre qu'il a, lui, tous les pouvoirs, et il confirme par son comportement la hiérarchie des refoulements structurés par la société de consommation de masse. Il est à la tête de celle-ci. Lui, il peut se libérer de tous les contrôles, il n'a pas besoin de consommer, d'ailleurs il ne paye même pas, il est invité. Il veut montrer que lui, il peut jouir.

Voici comment la Droite française a adapté sa liturgie politique en copiant et en appliquant les paradigmes de la révolution néo-conservatrice américaine incarnée par l'équipe Bush. Cette liturgie peut récupérer tous les discours de révolte, toutes les oppositions, toutes les résistances, et les recycler. Une morale conservatrice, le nationalisme, sur fond de racisme, le messianisme, un chef, la liberté à défendre comme absolu, à condition que tout soit consommation, libérant tous les désirs pour empêcher la jouissance, comme finalité. La poursuite de la jouissance comme finalité, est en effet la marque de la personne libre, du libertin plutôt que du libertaire.

Les femmes feront les frais de cette société de la morale néo-conservatrice. La Femme, elle qui a une possibilité de jouissance si obscure et qui est aussi le médium de la jouissance refoulée. Cette Femme, cette Cécilia, qui a failli empêcher Sarkozy d'atteindre cette jouissance.

Quelles sont jolies, les filles de Sarkozy chantait Enrico à la Concorde. Mireille Mathieu prenait sa revanche sur Régine, sur tous les plans.

1 commentaire:

Unknown a dit…

Mmes, Mlles, MM.
Un grand bravo pour ouvrir le bec avec une telle verve. Tout à fait digne du volatile enchaîné (mais attention aux coquilles;-)
Expatrié depuis 25, mais resté électeur d'un État qui compte des citoyens et non des sujets, je salue bien bas votre initiative.
A+