mercredi 23 mai 2007

17ème jour : Débauchages, favoritismes, népotismes et renoncements

Kouchner : la bombe à retardement ?

Faut-il plaindre Bernard Kouchner pour les quolibets et autres gracieusetés de ses ex-camarades ou se moquer des dirigeants du parti socialiste qui redoutaient la notoriété du French doctor jusqu'à le marginaliser au sein de sa propre famille ?

Toujours est-il que notre Kouchner national va devoir livrer sa plus grande bataille, s'il ne veut pas se renier. Un truc difficile question égo. Il demande à être juger sur ses actes, soit. Mais quelle sera sa marge de manoeuvre ?

Même s'il a bataillé dur pour se voir confirmer le titre de Ministre des Affaires étrangères ET européennes , il s'est vu imposer son Directeur de Cabinet par l'Elysée, Philippe Etienne, directeur général de la coopération internationale et du développement au Qui d'Orsay (et ancien collaborateur de Hervé de Charette).

Philippe Etienne a une mission claire : découper le Ministère des Affaires étrangères, notamment et justement sa direction de la coopération et du développement dont certains services, ceux en charge du co-développement, vont être versés au nouveau et formidable Ministère de l'Immigration et de l'identité nationale de Brice Hortefeux.

La délivrance des visas, conférée à ce Ministère, sera de fait réduite à sa dimension strictement policière et les subsides du co-développement distribués aux pays qui savent, ou peuvent, quels que soient les moyens, retenir leurs migrants. On se souviendra bientôt, qu'autrefois, les consulats de France dans le monde étaient aussi des lieux de refuge contre les dérives policières de certains Etats, le fait de délivrer des visas pouvant être une arme politique et diplomatique pour exercer une pression sur ceux-ci, outre que cette fonction est déterminante pour l'image des relations qu'entretien notre pays avec le monde entier, en termes d'accueil, tout simplement.

Bernard Kouchner risque aussi de devoir avaler d'autres couleuvres, celles que Eric Woerth, avant d'être Ministre des Comptes, préconisait en Juillet 2006 , comme la réduction drastique du réseau consulaire et de la diplomatie culturelle française, avec la fermeture des consulats d’Europe, les réduction du personnel, etc.

De plus, le futur Conseil de Sécurité Nationale, placé auprès du Président de la République, retirera le rôle de premier plan du ministre des Affaires étrangères dans la définition de la politique internationale de la France. On ne parlera pas des divergences de B. Kouchner avec notre (encore) bien-aimé Président, sur la Turquie, le conflit Israélo-palestinien, etc.

Que peut-on conseiller alors à Bernard Kouchner ? En tant que médecin, pourra-t-il rester longtemps dans ce rôle d'emplâtre sans cautérisation de la politique néo-conservatrice du Gouvernement Fillon, ou saura-t-il avoir le courage de l'amputation si la gangrène se propage sans perspective de rémission ? Nous espérons tellement qu'il saura être aussi flamboyant qu'il a su être par le passé. Ce pourrait être un feu d'artifice, sans jeu de mots...

La deuxième gauche à la manoeuvre

Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, débauché de gauche dans ce premier Gouvernement Fillon, n'est pas seulement signataire du manifeste des Gracques, ("rompons avec nos préjugés"), il était aussi depuis 1999 Président d'Honneur du Club Témoin, club qui rassemble les amis de Jacques Delors, chantres de la 2e gauche, proches de François Hollande et du grand ami du couple Hollande-Royal, l'avocat Jean-Pierre Mignard, qui en fut l'un des co-fondateurs.

Il est remarquable que c'est justement Jean-Pierre Mignard et les membres de ce Club, comme Jean-Louis Le Drian, Président de la Région Bretagne, qui avaient appelé à faire alliance au centre, avec François Bayrou, à l'instar des Gracques, au nom de la nécessaire sociale-démocratie.

Si l'on peut regretter la compromission d'individualités, il y a plus triste dans ces débauchages, c'est qu'ils touchent des personnes engagées depuis longtemps dans la rénovation du logiciel de la gauche, en général, et du Parti socialiste, en particulier.

Dominique Strauss-Kahn, qui tente aujourd'hui de revendiquer le leadership de la rénovation sociale-démocrate du vieux parti socialiste, alors qu'il s'est toujours rallié - par manque de courage ? de conviction ? - à la motion majoritaire ventre-mou de François Hollande depuis 2002, a perdu de fait une forme d'avant-garde qui décrédibilise l'engement des militants qui ont pris part à ce mouvement de modernisation.

Que reste-t-il ? Le pôle progressiste que les ministres de gauche de ce Gouvernement sous la houlette de Eric Besson disent vouloir entreprendre de construire. Les voies de la social-démocratie sont interpénétrables...

Familles, amis, employés, gens de maison : la berlusconisation

La modernité de la Sarkozie affichée à l'envie par les médias depuis 15 jours va visiblement survivre à la régression que représentent les candidatures aux législatives de ministres-maires-députés (etc). Tout le monde s'en moque, la prime au vainqueur n'a jamais été aussi élevée... pour pouvoir la perdre encore plus vite ?

En effet, qui est vraiment choqué qu'un Alain Juppé, n°2 du Gouvernement, prétende se maintenir maire alors qu'il occupe la fonction de ministre. Pire, l'intéressé précise que cette situation bénéficiera à sa bonne ville de Bordeaux. On est prévenu, les fonctions à la tête de l'Etat servent à favoriser, ouvertement, les fiefs électoraux qu'on alimente sous perfusion, ou plutôt que l'on gave comme des oies.

L'impression que cela donne est terrible pour tout bon démocrate, au-delà de la regression terrible que cela représente, quelque chose de très indécent. Sous la IIIe République, à ses débuts, les candidats aux législatives pouvaient se présenter dans plusieurs circonscriptions à la fois et choisir celles qu'ils pouvaient le mieux conserver. La France n'est pas une république moderne, cela vire à la république bananière, où l'on distribue prébandes, droits de tirage sur les comptes publiques, à la faveur de parachutages et de coups politiques et électoraux. La fameuse réserve parlementaire en fait partie.

Et Roselyne Bachelot. Quand on pense qu'elle fut affublée du surnom de Panthère Rose. Elle a les griffes longues, à la mesure de sa charge (politique) pondérale (ministre des Sports, on croit réver), surtout quand il s'agit de sa famille. Pierre Bachelot, fils de madame la ministre, a donc été embauché conseiller parlementaire de Madame mère. Il était déja, évidemment, l'assistant parlementaire de sa môman.

C'est une grande habitude des parlementaires en France que d'employer les membres de leurs familles, on appelle cela des emplois familiaux. Personne n'a jamais contrôlé ces emplois, on n'en connait pas le nombre exact, personne ne sait comment, ou n'ose, les interdire. Il est vrai qu'il est difficile de recouper les différentes situations, entre les belles-filles et les femmes, enregistrées sous leurs noms de jeune fille et les cousins ou neveux. De plus, nombreux de ces emplois sont croisés : telle l'épouse employée par un collègue élu du même département, ou du département voisin, pour disperser les emplois familiaux, et relativiser leur importance.

La distribution de prébendes en France va bien au-delà, bien sûr, comme avec les nominations discrétionnaires (c'est à dire non liées par le Droit), c'est même le jeu le plus drôle de l'après-élection, la matière de fond du fameux BQ ( le bulletin quotidien). Quand cette distriution rejoint la stratégie politique et la guerre pour la maîtrise de l'image, cela devient un vrai gros problème pour la démocratie et l'expression de l'opposition, ce que l'Italie de Berlusconi a connu : ainsi, la nomitnation de Laurent Solly, 36 ans, énarque et ex-directeur adjoint de campagne de Nicolas Sarkozy, à TF1.

Le grand projet, c'est que l'opposition n'existe plus. Il faut accréditer l'idée que le pouvoir Sarkozy est là pour très longtemps et qu'il n'y a pas grand chose à faire. Le parti socialiste est dans la position du parti communiste il y a 20 ans, avant son inexorable déclin. Pour cela il faut se moquer, réduire, abaisser, d'abord les socialistes, puis les autres. La démonstration d'un pouvoir qui s'installe partout a de toute manière, surtout en France, la faculté de sidérer, littéralement.

Rien n'a de véritable crédit hors de la majorité présidentielle, et les nouveaux ralliés centristes s'y emploient - c'est cela la plongée dans le gouffre du plaisir que l'on prend à la traîtrise - avec Hervé Morin qui présente la moitié de sa famille répartie sur les quelques 100 circonscriptions du nouveau PSLE, plus le chauffeur, les assistants parlementaires, pourquoi pas le jardinier, en cherchant bien... qui ne serait pas forcément le plus mauvais de tous ces candidats de la maisonnée de monsieur le ministre.

Il faut croire que cet homme n'est plus le même depuis le deuxième tour de la présidentielle. Le 28 mars 2007 il évoquait
le manque de confiance dévolue aux dirigeants par les citoyens. Cela étant dû notamment à "certains comportements douteux" de la part d'élus ou de hauts responsables... Dans une tribune, le 16 novembre 2004, en ligne sur son Blog, "restaurer le Parlement", il parle allègrement de crise de la démocratie, de reéquilibrage des pouvoirs, concentrés dans une seule main sous la Vé République, il y dénonce même "la culture de résignation des parlementaires et la vision qu’a l’exécutif du rôle des assemblées" et l'hypertrophie de la majorité au Parlement.

On cherche ses mots devant un tel abîme de renoncement... JJ Rousseau avait dit que "renoncer à sa liberté c'est renoncer à sa qualité d'homme, aux droits de l'humanité, même à ses devoirs". Mais comme on peut le lire dans le Bhagavad Gîta "tout près du renoncement est la béatitude". Et la crétinitude alors ?

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