vendredi 25 mai 2007

19ème jour : Sarko ou le Loto des riches

Les promesses fiscales de Sarkozy : quelle efficacité économique? quels effets sur la dette? Les allégements prévus pour la frange très supérieure de la population vont plomber les comptes de l'Etat d'environ 13 milliards d'Euros, selon Vincent Drezet, secrétaire national du SNUI (Syndicat National Unifié des Impôts). Il s'agit de l'addition des défiscalisations du bouclier fiscal passant de 60 à 50%, de la modification de l'ISF et des Droits de successions, des heures supplémentaires, des déductions des intérêts d'emprunts pour la résidence principale (Libération du 25 mai 2007). Ce sera d'autant moins pour les services publics et la redistribution sociale.

Sur les exonérations pour les heures supplémentaires : les heures supplémentaires seraient payées environ 25% en échange de l'éxonération de charges pour l'employeur. Sauf que, ce ne sont pas les salariés qui choisissent de faire des heures sup', mais les employeurs... et l'état de leurs carnets de commandes.

En fait, les employeurs vont surtout être incités à tranformer les primes octroyées habituellement en heures supplémentaires defiscalisées (voire fictives). Qui les en empêcherait ? On ne voit pas vraiment quel avantage pour la relance de l'emploi, puisqu'il sera plus intéressant de grossir au maximum ce volume d'heures sup plutôt que d'embaucher. On ne mesure pas non plus aujourd'hui le volume de manque à gagner en matière de cotisations sociales, comme les cotisations maladies. En outre, une véritable discrimination s'installera entre les travailleurs, ceux qui ne paieront pas l'impôt sur le revenu sur leurs heures sup défiscalisées, parce qu'ils ont eu la chance de bénéficier de la possibilité d'heures sup, et ceux qui le paieront parce que l'activité de l'entreprise n'a pas permis de distribuer des heures sup. N'es doutons pas, ceux (peu nombreux) qui gagneront un peu plus seront à nouveau ponctionnés, avec la hausse de la TVA.

Sur le bouclier fiscal à 50% : c'est la plus belle manipulation du programme de Sarkozy, la poudre au yeux des moins riches, qui fait plaisir même à ceux qui ne payent pas du tout d'impôts. Ce bouclier existe déjà depuis 2007, mais à 60%, il a fait que 93 000 contibuables se sont vus remboursés un trop-versé par le Ministère des Finances, dont 11% qui étaient assujetis à l'ISF.

Ce projet vise à vider de sa substance l'ISF, sans avoir à le supprimer. Cette réforme, qui risque de coûter plus de 2 milliards d'Euros à l'Etat, fera gagner environ 650 euros aux ménages les plus modestes - mais qui payent des impôts - et 22 000 euros en moyenne aux ménages assujettis à l'ISF.

Sur l'exonération à 95% des successions : c'est à dire la transmission des patrimoines à 95%, soit par dotation ou par héritage. Aujourd'hui, selon les chiffres du Ministère des Finances, 90% des successions sont déjà détaxées, et seules 25% des successions consécutives à un décès sont imposées ! En effet, dans la réalité, du fait des abattements existants (un abattement global de 50 000 euros et des abattements individuels de 76 000 euros pour le conjoint survivant et de 50 000 euros par enfant), les petites et moyennes successions sont déjà non imposables en France. On comprend bien à quelle population va bénéficier cette nouvelle éxonération, c'est à dire les 10% de ménages qui détiennent près de 50% de la totalité du patrimoine des ménages français.

Pourtant la mesure est populaire... surtout par manque d'information, voire une certaine forme de désinformation plus ou moins organisée. Tout le monde se voit héritier. Belle perspective sociétale...

Sur la déductibilité des intérêts d'emprunts pour l'achat de la résidence principale : Ce n'est pas une nouveauté, puisqu'en 1997, il était possible de bénéficier d'une réduction d'impôt de 25% des intérêts acquittés pendant 5 ans. Cette mesure avait eu peu d'impact et avait coûté cher à l'Etat, et c'est le prêt à taux zéro qui l'a finalement remplacé. Au regard de l'état actuel du marché immobilier, le simple bon sens nous fait envisager en conséquence une hausse du prix des logements, rendant encore plus difficile l'accession à la propriété... et la mobilité géographique. En France, les intérêts d'emprunts représentent environ 2% du revenu disponible des ménages. Et il ne faut pas croire tout ce qui est dit: le montant des intérêts déduits sera plafonné. Le prêt à taux zéro est bien plus utile pour les primo-accédants, il aurait mieux valu l'élargir à d'autres populations.

Ce programme, les Français l'ont-ils vraiment voulu ? Sarkozy fait miroiter aux plus modestes que, sans ces mesures, ils paieraient plus d'impôts, ce qui est archi faux, près de la moitié des ménages n'en payent pas. Les promesses fiscales de Sarkozy sont évidemment faites pour favoriser les plus aisés, c'est justement le programme des néo-conservateurs pour qui l’inégalité est naturellement inévitable. Toutes ses mesures font mine de s'adresser à tous les Français, indistinctement. C'est cela le problème, le refus de prendre en compte les distinctions et différences qui n'ont aucune "utilité sociale", (comme le précise l'article 1 de notre constitution) parce que le calcul est clairement de favoriser une partie, restreinte, de la population qui aura une part du gâteau encore plus grande.

L'inégalité va de fait devenir encore plus insupportable.

mercredi 23 mai 2007

17ème jour : Débauchages, favoritismes, népotismes et renoncements

Kouchner : la bombe à retardement ?

Faut-il plaindre Bernard Kouchner pour les quolibets et autres gracieusetés de ses ex-camarades ou se moquer des dirigeants du parti socialiste qui redoutaient la notoriété du French doctor jusqu'à le marginaliser au sein de sa propre famille ?

Toujours est-il que notre Kouchner national va devoir livrer sa plus grande bataille, s'il ne veut pas se renier. Un truc difficile question égo. Il demande à être juger sur ses actes, soit. Mais quelle sera sa marge de manoeuvre ?

Même s'il a bataillé dur pour se voir confirmer le titre de Ministre des Affaires étrangères ET européennes , il s'est vu imposer son Directeur de Cabinet par l'Elysée, Philippe Etienne, directeur général de la coopération internationale et du développement au Qui d'Orsay (et ancien collaborateur de Hervé de Charette).

Philippe Etienne a une mission claire : découper le Ministère des Affaires étrangères, notamment et justement sa direction de la coopération et du développement dont certains services, ceux en charge du co-développement, vont être versés au nouveau et formidable Ministère de l'Immigration et de l'identité nationale de Brice Hortefeux.

La délivrance des visas, conférée à ce Ministère, sera de fait réduite à sa dimension strictement policière et les subsides du co-développement distribués aux pays qui savent, ou peuvent, quels que soient les moyens, retenir leurs migrants. On se souviendra bientôt, qu'autrefois, les consulats de France dans le monde étaient aussi des lieux de refuge contre les dérives policières de certains Etats, le fait de délivrer des visas pouvant être une arme politique et diplomatique pour exercer une pression sur ceux-ci, outre que cette fonction est déterminante pour l'image des relations qu'entretien notre pays avec le monde entier, en termes d'accueil, tout simplement.

Bernard Kouchner risque aussi de devoir avaler d'autres couleuvres, celles que Eric Woerth, avant d'être Ministre des Comptes, préconisait en Juillet 2006 , comme la réduction drastique du réseau consulaire et de la diplomatie culturelle française, avec la fermeture des consulats d’Europe, les réduction du personnel, etc.

De plus, le futur Conseil de Sécurité Nationale, placé auprès du Président de la République, retirera le rôle de premier plan du ministre des Affaires étrangères dans la définition de la politique internationale de la France. On ne parlera pas des divergences de B. Kouchner avec notre (encore) bien-aimé Président, sur la Turquie, le conflit Israélo-palestinien, etc.

Que peut-on conseiller alors à Bernard Kouchner ? En tant que médecin, pourra-t-il rester longtemps dans ce rôle d'emplâtre sans cautérisation de la politique néo-conservatrice du Gouvernement Fillon, ou saura-t-il avoir le courage de l'amputation si la gangrène se propage sans perspective de rémission ? Nous espérons tellement qu'il saura être aussi flamboyant qu'il a su être par le passé. Ce pourrait être un feu d'artifice, sans jeu de mots...

La deuxième gauche à la manoeuvre

Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, débauché de gauche dans ce premier Gouvernement Fillon, n'est pas seulement signataire du manifeste des Gracques, ("rompons avec nos préjugés"), il était aussi depuis 1999 Président d'Honneur du Club Témoin, club qui rassemble les amis de Jacques Delors, chantres de la 2e gauche, proches de François Hollande et du grand ami du couple Hollande-Royal, l'avocat Jean-Pierre Mignard, qui en fut l'un des co-fondateurs.

Il est remarquable que c'est justement Jean-Pierre Mignard et les membres de ce Club, comme Jean-Louis Le Drian, Président de la Région Bretagne, qui avaient appelé à faire alliance au centre, avec François Bayrou, à l'instar des Gracques, au nom de la nécessaire sociale-démocratie.

Si l'on peut regretter la compromission d'individualités, il y a plus triste dans ces débauchages, c'est qu'ils touchent des personnes engagées depuis longtemps dans la rénovation du logiciel de la gauche, en général, et du Parti socialiste, en particulier.

Dominique Strauss-Kahn, qui tente aujourd'hui de revendiquer le leadership de la rénovation sociale-démocrate du vieux parti socialiste, alors qu'il s'est toujours rallié - par manque de courage ? de conviction ? - à la motion majoritaire ventre-mou de François Hollande depuis 2002, a perdu de fait une forme d'avant-garde qui décrédibilise l'engement des militants qui ont pris part à ce mouvement de modernisation.

Que reste-t-il ? Le pôle progressiste que les ministres de gauche de ce Gouvernement sous la houlette de Eric Besson disent vouloir entreprendre de construire. Les voies de la social-démocratie sont interpénétrables...

Familles, amis, employés, gens de maison : la berlusconisation

La modernité de la Sarkozie affichée à l'envie par les médias depuis 15 jours va visiblement survivre à la régression que représentent les candidatures aux législatives de ministres-maires-députés (etc). Tout le monde s'en moque, la prime au vainqueur n'a jamais été aussi élevée... pour pouvoir la perdre encore plus vite ?

En effet, qui est vraiment choqué qu'un Alain Juppé, n°2 du Gouvernement, prétende se maintenir maire alors qu'il occupe la fonction de ministre. Pire, l'intéressé précise que cette situation bénéficiera à sa bonne ville de Bordeaux. On est prévenu, les fonctions à la tête de l'Etat servent à favoriser, ouvertement, les fiefs électoraux qu'on alimente sous perfusion, ou plutôt que l'on gave comme des oies.

L'impression que cela donne est terrible pour tout bon démocrate, au-delà de la regression terrible que cela représente, quelque chose de très indécent. Sous la IIIe République, à ses débuts, les candidats aux législatives pouvaient se présenter dans plusieurs circonscriptions à la fois et choisir celles qu'ils pouvaient le mieux conserver. La France n'est pas une république moderne, cela vire à la république bananière, où l'on distribue prébandes, droits de tirage sur les comptes publiques, à la faveur de parachutages et de coups politiques et électoraux. La fameuse réserve parlementaire en fait partie.

Et Roselyne Bachelot. Quand on pense qu'elle fut affublée du surnom de Panthère Rose. Elle a les griffes longues, à la mesure de sa charge (politique) pondérale (ministre des Sports, on croit réver), surtout quand il s'agit de sa famille. Pierre Bachelot, fils de madame la ministre, a donc été embauché conseiller parlementaire de Madame mère. Il était déja, évidemment, l'assistant parlementaire de sa môman.

C'est une grande habitude des parlementaires en France que d'employer les membres de leurs familles, on appelle cela des emplois familiaux. Personne n'a jamais contrôlé ces emplois, on n'en connait pas le nombre exact, personne ne sait comment, ou n'ose, les interdire. Il est vrai qu'il est difficile de recouper les différentes situations, entre les belles-filles et les femmes, enregistrées sous leurs noms de jeune fille et les cousins ou neveux. De plus, nombreux de ces emplois sont croisés : telle l'épouse employée par un collègue élu du même département, ou du département voisin, pour disperser les emplois familiaux, et relativiser leur importance.

La distribution de prébendes en France va bien au-delà, bien sûr, comme avec les nominations discrétionnaires (c'est à dire non liées par le Droit), c'est même le jeu le plus drôle de l'après-élection, la matière de fond du fameux BQ ( le bulletin quotidien). Quand cette distriution rejoint la stratégie politique et la guerre pour la maîtrise de l'image, cela devient un vrai gros problème pour la démocratie et l'expression de l'opposition, ce que l'Italie de Berlusconi a connu : ainsi, la nomitnation de Laurent Solly, 36 ans, énarque et ex-directeur adjoint de campagne de Nicolas Sarkozy, à TF1.

Le grand projet, c'est que l'opposition n'existe plus. Il faut accréditer l'idée que le pouvoir Sarkozy est là pour très longtemps et qu'il n'y a pas grand chose à faire. Le parti socialiste est dans la position du parti communiste il y a 20 ans, avant son inexorable déclin. Pour cela il faut se moquer, réduire, abaisser, d'abord les socialistes, puis les autres. La démonstration d'un pouvoir qui s'installe partout a de toute manière, surtout en France, la faculté de sidérer, littéralement.

Rien n'a de véritable crédit hors de la majorité présidentielle, et les nouveaux ralliés centristes s'y emploient - c'est cela la plongée dans le gouffre du plaisir que l'on prend à la traîtrise - avec Hervé Morin qui présente la moitié de sa famille répartie sur les quelques 100 circonscriptions du nouveau PSLE, plus le chauffeur, les assistants parlementaires, pourquoi pas le jardinier, en cherchant bien... qui ne serait pas forcément le plus mauvais de tous ces candidats de la maisonnée de monsieur le ministre.

Il faut croire que cet homme n'est plus le même depuis le deuxième tour de la présidentielle. Le 28 mars 2007 il évoquait
le manque de confiance dévolue aux dirigeants par les citoyens. Cela étant dû notamment à "certains comportements douteux" de la part d'élus ou de hauts responsables... Dans une tribune, le 16 novembre 2004, en ligne sur son Blog, "restaurer le Parlement", il parle allègrement de crise de la démocratie, de reéquilibrage des pouvoirs, concentrés dans une seule main sous la Vé République, il y dénonce même "la culture de résignation des parlementaires et la vision qu’a l’exécutif du rôle des assemblées" et l'hypertrophie de la majorité au Parlement.

On cherche ses mots devant un tel abîme de renoncement... JJ Rousseau avait dit que "renoncer à sa liberté c'est renoncer à sa qualité d'homme, aux droits de l'humanité, même à ses devoirs". Mais comme on peut le lire dans le Bhagavad Gîta "tout près du renoncement est la béatitude". Et la crétinitude alors ?

vendredi 11 mai 2007

5ème jour : Business d'Etat

Vincent Bolloré manie tellement d'affaires, qu'il ne sait certainement plus trop où il en est et, contrairement à ce qu'il a prétendu, son groupe a bien passé des marchés avec l'Etat français, notamment dans les domaines de la logistique, voire de la sécurité. Voir ici sur bakchich.info

D'accord, cela ne pèse pas grand chose - pour le moment - dans le chiffre d'affaires global du groupe, entre 36 et 40 millions d'Euros par an, sur 6 milliards environ.

Naturellement, sur le papier, Bolloré ne dépend pas des commandes de l'Etat, comme un Dassault, par exemple.

Mais la politique africaine et de défense de la France pourrait l'intéresser au premier chef. Après les médias, c'est un tropisme plutôt traditionnel des groupes familiaux français. Prendra-t-il lui aussi cette inclinaison ?

Dans son programme, Sarkozy projette de réduire le ministère de la Défense à un ministère des armées, démantelant la Direction Générale pour l'Armement (DGA) en Etablissement public et adossant tout ce qui concerne les questions de sécurité intérieure à un grand ministère de l'Intérieur, avec les gendarmes. Le Chef d'Etat major des armées donnera sa liste de courses en matière d'équipements, au Chef des Armées - le Président - de se débrouiller alors... C'est une vision un peu caricaturale, certes, mais qui révèle que, contrairement à son engagement d'éliminer les "domaines réservés", la Défense et l'équipement des armées seront directement et très étroitement contrôlés par le Président.

Des esprits chagrins y verront peut-être malice. Pas nous, bien sûr.

Une Droite tellement décomplexée, comme on nous le serine à l'envi sur tous les médias depuis quelques jours, ne peut-être que bénéfique pour la France. C'est quand il y a du gène qu'il n'y a pas de plaisir...

On voudrait bien croire que le rapprochement du pouvoir avec grands patrons, d'industries et de services, servent au décloisonnement nécessaire à l'efficacité d'une politique économique et industrielle digne de ce nom susceptible de relancer la croissance et la création d'emplois.

Le problème c'est que, traditionnellement, ces grands patrons ont toujours été proches du pouvoir pour en tirer subsides, commandes, soutien. Ces grands défenseurs de l'économie libérale, et de l'économie "libérée", sont ceux qui investissent le moins, dans tout le monde développé, dans la recherche ou dans les infrastructures et la formation. Ils bénéficient gratuitement et sans contre-partie de la manne des jeunes chercheurs de l'université publique, sans jamais avoir à participer au financement des laboratoires.

C'est du pain béni pour ces étatistes-libéraux très opportunistes, qui demandent aussi beaucoup à l'Etat lors de licenciements massifs dits de restructurations.

Les affaires, sont les affaires...

mercredi 9 mai 2007

3ème jour : relancer l'industrie automobile

737 véhicules incendiés dans la nuit de dimanche à lundi. Seulement 200, selon le ministère de l'Intérieur hier soir. Combien au total ? Mieux qu'un premier de l'an, c'est la fête. Et c'est bon pour le marché automobile.

A Lille, c'est en hélicoptère que les manifestants et casseurs se font pister dans les rues. Des images déjà bien ancrées dans la culture télévisuelle commune. Rien ne choque, peu de réactions pour le moment. Un relativisme général. C'est pourtant la première fois que l'élection d'un Président de la République déclenche en France de telles manifestations d'hostilité.

Les électeurs de Sarkozy, au-delà de la place de la Concorde, n'ont pas vraiment manifesté leur victoire dans les rues des grandes villes. Où était la liesse ? La voie a été laissée libre aux opposants de mauvaise humeur et aux casseurs qui nous offrent une stratégie d'évitement du consensus démocratique, en refusant le pluralisme.

Cette stratégie est néfaste pour la gauche, pas seulement à l'approche des élections législatives, en la confinant à une marginalité communautaire, avec ses codes, ses rites, etc, que la caricature de mai 68 par la Droite néo-conservatrice achève de décrédibiliser.

Pour Michel Foucault, entre le mensonge démocratique (pour lui le pouvoir moderne tend à remplacer l'Etat de Droit par un Gouvernement pastoral qui a pour mission de faire paître le troupeau humain) et l'illusion révolutionnaire, il y une troisième voie, celles des résistances et des révoltes. La lutte des classes n'est pas, ou plus, la solution. Il n'y a plus de conscience de classe, chacun veut son golden parachute.

Il faut donc inventer de nouvelles formes de résistances et de contestations, disait-il, lui qui fut à l'origine du groupe d'intervention sur les prisons et du groupe d'intervention sur les hôpitaux psychiatriques. Des actions concertées, pour une résistance multiforme.

La démocratie est la forme la plus adaptée à la coexistence des individus et des groupes. Il lui manque de faire émerger la personne de l'individu.

Le marxisme étant en coma dépassé, la démocratie moderne sait recycler les passions révolutionnaires. Le matérialisme dialectique est obsolète. C'est l'extension de la démocratie et la survivance de son mythe qui viendront à l'appui des protestations collectives.

Les AG dans les Fac (Tolbiac, La Sorbonne, Paris VIII, Lille, etc) qui s'organisent vont-elles dans ce sens ? Sur quel mot d'ordre ? La riposte aux attaques libérales-réactionnaires doit se préparer, dans les urnes d'abord en juin, puis sur le terrain, chiffres, données, témoignages, propositions à l'appui.

Il faut faire de la politique. L'ordre juste a échoué comme stratégie face à l'ordre tout court. Le désordre va crystaliser la réaction sécuritaire.

mardi 8 mai 2007

2ème jour : Yachting Club

Première promesse de campagne non tenue : Sarkozy a préféré un yacht à une retraite dans un monastère. D'abord, peut-être qu'il n'aurait pas pu y emmener toute sa petite famille, dans un monastère. Puis, c'est pratique un yacht, surtout que Cécilia ne peut pas en partir facilement, sauf à la nage...

Et enfin, parce que, le pauvre, "n'a pas de résidence secondaire", (ayant tout investi dans son appartement de l'Ile de la Jatte?), selon Rachida Dati, "ni à Mougins" (comme Ségolène), "ni à Marrakech" (comme DSK), a-t-elle soulignée. C'est précis et élégant.

Quelques précisions à notre tour : le Paloma, se loue à partir de 173 693 euros par semaine (en basse-saison?), une paille. C'est un peu plus confortable qu'un monastère, franchement, comment le lui reprocher. Qui paye ?

Mais peut-être que le bon peuple trouvera bien normal de pouvoir disposer du petit bateau de son ami Vincent Bolloré, de la famille de celui qui a inventé le papier à cigarette OCB (Odet-Cascadec-Bolloré). Un petit joint, Monsieur Sarkozy ? Un héritage de mai 68, un marché profitable depuis. Un hommage finalement de notre Président.

En fait, voilà une joint-venture bien convenue entre notre nouveau Président et le prince du CAC 40, le roi des Traiders-raiders et des coups en bourse juteux, le grand maître du capitalisme sans capital, le beau-frère de Gérard Longuet, sénateur, ancien ministre, homme d'affaires... et conseiller politique de Nicolas Sarkozy.

Vincent Bolloré n'est que la 458e fortune du monde selon le magazine Forbes (ex-aequo avec quelques autres).

Mais, surtout, il investit beaucoup dans les médias, auxquels il veut consacrer 10% de ses actifs : SFP (30%), VCF, STREAMPOWER, Direct8, HAVAS (22%). Et là, on comprend mieux. Cela risque de coûter au final bien plus cher aux Français que le prix de la location à la semaine.

A ce rythme, il va falloir revoir nettement à la hausse le budget de l'Elysée, frais de bouche compris. Jacques Chirac n'était peut-être qu'un amateur. Sarkozy, c'est grandiose, surtout quand il se comporte en ascète pour "habiter la fonction". Qu'est-ce que cela va être quand il sortira de sa retraite de misère et de simplicité...

lundi 7 mai 2007

1er jour : la France du Fouquet's

La France retiendra-t-elle qu'il est allé au Fouquet's ? Le Fouquet's du groupe Lucien Barrière. Casinos et grands palaces, pas les plus chics, mais les plus clinquants. Pour pomper les caisses des CE et des séminaires de directions. Des casinos surtout (14 au total), le jackpot, dont la croissance du chiffre d'affaire pour le groupe Barrière a été tirée par ses casinos situés en Suisse, avec + 18,9% en 2005-2006.

Sarkozy au Fouquet's avec cette star belge, (euh... française), à la carrière tellement sans fin, justement fraudeur du fisc français en Suisse. Cela, j'imagine que nous l'avons tous vu. Il faudra combien de temps pour que nous en soyons vraiment tellement choqués, que nous trouverions collectivement cela tellement dépassé et inadmissible ? 1 mois, 1 ans, 5 ans ou 25 ans ? Quelque chose de la France, de son esprit, et justement de son identité se dissout ici dans ce symbole. De De Gaulle à Sarkozy, un abîme. On a jamais autant parlé dans cette élection du modèle politique et de société des pays Nordiques, modèle social-démocrate, que pour mieux s'en éloigner. Là-bas, la caricature fait qu'un ministre peut être conduit à démissionner s'il a dépassé de 2000 euros l'enveloppe annuelle prévue pour ses frais.

Ce qui nous fascine, que l'on trouve même formidable, c'est qu'il ne fait même pas semblant, il n'a peur du ridicule, il a fait le calcul que la France qui l'a élu c'est celle qui voudrait être ici avec lui au Fouquet's, un vrai lieu ringard de Paris, de très jeunes blondes pneumatiques très très superficielles aux bras de vieux beaux, qui ne l'ont jamais été autant que leur richesse sonnante et tébuchante. Le café à combien ? Les coktails sont à partir de 15 euros au bar de l'escadrille où Santos DUMONT aurait fondé en 1914 l'association l'as des as, les pilotes de la 1ère guerre mondiale. Depuis le Fouquet's est une rampe de lancement, de la porno-star au Président de la République. Champagne ! C'est en fait le vertige d'un vol en piqué auquel on nous convie, spectateur-électeur.

La France du Fouquet's c'est la France du clinquant, du chic ostentatoire du parvenu nouveau siècle, celui qui affiche sans vergogne la roture d'une réussite si fulgurante, qu'il a aussi besoin de se vanter des moyens les moins subtiles et les plus radicaux qu'il a utilisés pour y parvenir. Seul le résultat compte. Et les plus forts survivent.

La France du Fouquet's, c'est celle de ceux qui voudraient bien s'y voir. Cette France, elle veut être Star, jet -setée et peoplelisée, elle veut en être... et finalement elle en est un peu, à travers lui, la roue tourne, demain c'est moi avec un peu de chance. Et lui c'est un peu moi. Cette France, elle ne veut surtout pas être Présidente, tentative malheureuse de lier un sentiment de reponsabilité collective partagée à un mot d'ordre qui finalement veut jouer du même ressort.

Un commerçant de mon quartier - Sarkozyste - interrogé sur cette mise en abîme, ce geste hautement symbolique de notre nouveau Président : "mais pourquoi tu veux qu'il se prive d'aller au Fouquet's, il a raison, moi à sa place j'irais aussi au Fouquet's, c'est le roi, le gagnant, il fait ce qu'il veut si ça lui chante, et en plus, je te le dis, maintenant il ne paye plus rien".

Il y a de la jouissance assumée et démonstrative par Sarkozy, elle est comprise, entendue : pourquoi Le Président devrait-il refouler la jouissance ? Pourquoi ne pourrait-il pas en profiter ? La société du profit, et de sa maximilisation, n'est possible que parce que la jouissance est controlée par la consommation. Celui qui peut la libérer montre qu'il a, lui, tous les pouvoirs, et il confirme par son comportement la hiérarchie des refoulements structurés par la société de consommation de masse. Il est à la tête de celle-ci. Lui, il peut se libérer de tous les contrôles, il n'a pas besoin de consommer, d'ailleurs il ne paye même pas, il est invité. Il veut montrer que lui, il peut jouir.

Voici comment la Droite française a adapté sa liturgie politique en copiant et en appliquant les paradigmes de la révolution néo-conservatrice américaine incarnée par l'équipe Bush. Cette liturgie peut récupérer tous les discours de révolte, toutes les oppositions, toutes les résistances, et les recycler. Une morale conservatrice, le nationalisme, sur fond de racisme, le messianisme, un chef, la liberté à défendre comme absolu, à condition que tout soit consommation, libérant tous les désirs pour empêcher la jouissance, comme finalité. La poursuite de la jouissance comme finalité, est en effet la marque de la personne libre, du libertin plutôt que du libertaire.

Les femmes feront les frais de cette société de la morale néo-conservatrice. La Femme, elle qui a une possibilité de jouissance si obscure et qui est aussi le médium de la jouissance refoulée. Cette Femme, cette Cécilia, qui a failli empêcher Sarkozy d'atteindre cette jouissance.

Quelles sont jolies, les filles de Sarkozy chantait Enrico à la Concorde. Mireille Mathieu prenait sa revanche sur Régine, sur tous les plans.